Les kilomètres défilent, souvent identiques, entre tournesols et maïs. Quelques bourgs avec leurs corps de ferme alignés en chevaux de bataille. A Novi Sad nous avons quitté le Danube et l’Eurovélo 6 et arpentons maintenant l’extrême Est de la Croatie, cette région que la guerre de l’ex-Yougoslavie n’a pas épargnée, celle où 30 ans après, des impacts d’obus sont encore bien visibles sur les murs.
Il est 15h, le ciel brusquement s’assombrit, nous sommes au milieu des champs. Au loin, le tonnerre gronde. La lèvre de l’orage se dessine, c’est beau et impressionnant à la fois. On s’arrête prendre quelques photos, avec le vélo, sans le vélo, certain que l’orage se dirige vers le sud… Le vent d’un coup se lève, et on comprend trop tard que l’orage va droit sur nous ! On remonte sur nos bécanes, on pédale à fond en quête d’un abri, suivant à l’aveuglette les restes d’une étroite piste de cailloux débouchant sur une impasse, au milieu de la broussaille, argh ! On se réfugie à la hâte sous quelques maigres arbres, laissant le rideau de pluie s’abattre sur nous. Le ton est donné, nous sommes en Août, pendant presque un mois, nous aurons un orage tous les soirs !
Et voilà nous y sommes, au départ de la traversée de l’arc alpin, dernier projet de ce voyage ! Notre enchaînement des frontières, savamment orchestrée par Tiphaine, nous aura permis d’arriver en Slovénie sans refus ni quatorzaine. Serbie, Croatie, Hongrie, Slovénie ça passe - Serbie, Croatie, Slovénie, ça ne passe plus… !
Donc, l’Arc Alpin ! Encore un beau morceau de route à parcourir, avec quelques 1500km et 25000m de dénivelés positifs. Pour le tracé, nous avons choisi de librement s’inspirer de celui réalisé par une famille de cyclovoyageurs du Vercors en 2017 (www.tsagaventure.com) : 2 adultes et 3 enfants, d’une énergie sans pareille, qui réalisent des petites et grandes itinérances, à pied, vélo ou kayak, dans leur région comme dans le monde. Leurs articles sont écrits avec beaucoup de légèreté et d’humour. A les lire, on voudrait aussi voyager en famille ;-)
L’entrée dans les Alpes se fait par celles dites Juliennes, à l’Est de la Slovénie. De grandes prairies vertes, des chalets resplendissants et bien entretenus, des rivières à l’eau turquoise - alléchante mais fort glacée - et de belles forêts de sapins d’où s’échappent de hauts pics rocheux. C’est un mix des plus belles photos d’Art & Décorations et Géo Magazine réunis !
On en prend pleins les mirettes et un peu lassés de la platitude du Danube, nous nous émerveillons à retrouver du relief ! Après s’être régalés en sillonnant l’ancienne vallée glaciaire Logarska Dolina et avoir réveillé notre appétit de courses d’arêtes, nous nous accordons quelques jours de farniente à Bled et son lac splendide, haut lieu touristique de la Slovénie. On y découvre le prix exorbitant des campings (35€/nuit pour 2, la tente plantée sur 12m2 d’une pelouse sans ombre) et un niveau de vie à la hauteur de celui de la France ! Qu’à celà ne tienne, nous vivrons de bivouac et d’eau fraîche, que ce soit lavés dans la rivière ou arrosés par l’orage :-)
Un crochet par l’Autriche et nous découvrons les longues pistes cyclables qui font la fierté de cette partie des Alpes. Contrairement à la France, que ce soit en Slovénie, Autriche ou Italie, ils n’ont pas attendu le Covid pour développer une infrastructure dédiée aux cyclistes (en France on commence à se dire que, peut-être…). Une piste cyclable, c’est rouler 200km en montagne sans être serré par une voiture, sans être assourdi par les motos (à quand une loi pour réduire cette nuisance sonore?!), avec un tracé panoramique et des gares ferroviaires jamais bien loin pour assurer le retour. 100% sûre, 100% plaisir : bluffant !
On y découvre aussi l’essor hallucinant du vélo à assistance électrique : au moins 2 vélos sur 3 sont des e-bikes. Alors oui, puisque la société a enfanté une génération SUV (l’importance du 4x4 en ville, rappelons-le), le quadragénaire comme l’ado n’imagine plus faire le tour d’un lac sans son petit moteur ! aïe aïe aïe, forcer deviendrait vraiment le summum de la ringardise :-(
Si en Autriche le vélo électrique fait fureur, quand on s’approche de l’Italie, la quantité d’e-cyclistes diminuent. Le pouvoir d’achat me direz-vous, mais non, l’italien est fier : il parle avec les bras, pédale avec les jambes ! Notre voisin transalpin est aussi très bavard alors forcément à en oublier de tenir son guidon sur la piste cyclable, ca devient le bordel ! Bienvenue en Italie, bienvenue dans les Dolomites !
Cette courte étude sociologique digne de Mickey Mouse magazine perdra toute sa justesse dès lors que nous arriverons à Cortina d’Ampezzo, la capitale bling-bling des Dolomites : on en voit de partout, une révolution qu’on vous disait !
Les Dolomites, c’est notre coup de coeur des Alpes. Les formations rocheuses sont époustouflantes, le cadre grandiose, les vallées magnifiques, les mots nous manquent, on est scotché. On y retrouve le soleil, Ben, son fourgon et ses deux marmots : la princesse (8 ans et demi) et le terrible (5 ans et demi). En moins d’une après-midi ils vous ôtent toute envie de fonder une famille, alors après presque trois jours... ! Bref désolé du faux espoir pour nos parents ;-)
Parce que les Dolomites on aime, on se doute bien que les italiens sont fans. Alors avec la tribu, on s’offre un bain de foule: d’abord un but en voulant faire le tour des Tre Cime (même à 7h du matin le parking est plein et les bouchons se créent) ; puis en file indienne dans la montée du lac de Sorapis ; à nouveau sur le spot de bivouac où le camping-carriste débarque en famille et à 2 mètres de toi (distanciation covid oblige !), sans gêne, il s’installe en formation, 3 véhicules en U, une table de banquet au milieu ; et enfin le soir en faisant la queue pour rentrer dans la pizzeria de Misurina ! Incroyable ! Comme si la moitié de l’Italie (contaminée, non contaminée, on ne saura jamais !) venait passer ses vacances ici !
Mais parce que les enfants ont une énergie incontrôlable, crapahutant dans les vires à chamois, courant dans les pierriers, nous pourrons prendre un peu le large et profiter de cet incroyable paysage Dolo-mythique ! Car oui, 800D+ à 5 ans dans la caillasse, tout en jouant à chat-perché, ca impose du respect !
Mais parce que toutes les bonnes choses ont une fin, il a fallu continuer, tout en se promettant que l’on y reviendrait. On s’est accordé quelques extras rando/vélo/bivouac en amoureux, rallongeant les kilomètres en quête de notre photo “salon”, celle de 1 mètre sur 2 que l’on accrocherait devant le canapé, pour continuer à voyager malgré la prochaine grisaille automnale :-)
Gnocchi, pizza, tiramisu et sorbet aux poires conférence (le top 3 des meilleures glaces de Tiphaine) dans le vieux centre de Bolzano pour clôturer cette première partie de l’arc alpin et nous revoilà à nouveau sur de belles pistes cyclables faisant route vers l’impressionnant col Stelvio pour rejoindre bientôt les imposants glaciers du Valais !
Bonne rentrée à tous, à très bientôt ;-)
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