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Cartes postales du Nicaragua


S'obstiner, mais pour quoi ?
Pour rallier San Carlos (à l'extrême sud-est du lac Nicaragua) depuis Las Penitas (spot de surf sur la côte Pacifique), nous avions estimé 6 journées de pédalage intensif. Mais la première journée aura éte un plan pourri, comme cela peut arriver. L'idée était pourtant séduisante : bivouaquer après s'être baigné dans une lagune (El Tigre), au pied du volcan Hoyo (dont l'un des cratères, si singulier, à mi-pente du sommet, présente une circonférence parfaite). Un détour peut-être, mais pour moi (Olivier), l'assurance de ne pas passer deux fois par la même route. Le retour aux pistes aussi. Alors pourquoi pas.

Mais il y a deux composantes que nous n'avions pas vraiment pris en compte. Dès le réveil, le vent. De face indéniablement, de temps en temps de biais, soufflant inlassablement. Puis en fin de journée, le sable. Battue par les sabots des chevaux, puis retournée par les pneus des motos, la terre du sentier s'était transformé. En cette fin de journée laborieuse, lourds, comme englués, nous n'avions pas d'autre choix que de pousser nos vélos, rageur que la nuit puisse tomber si vite.

Alors que nous atteignions enfin, éreintés, les contre-forts surplombant du lac, le soleil avait depuis longtemps terminé sa course vers l'horizon, et le bivouac ne se présentait pas tel que nous l'avions imaginé : loin du lac, sans vue, dans la poussière. Une pointe d'orgueil nous poussa tout de même à descendre, dans le halo d'une frontale en fin de vie, nous baigner. Pour se rafraîchir et pour se décrasser (la baignade fait office de douche !). Avec le recul d'une cuisson de pâtes, il ne paraissait pas évident que ce détour en valait la peine mais nous restions optimistes de jours meilleurs.



Le cavalier de la finca
Toujours lui. Que la route nous mène au levant, ou au couchant, nous avons cette trompeuse impression qu'il nous barre continuellement la route. Cela fait maintenant 5 jours que nous roulons en sa compagnie, indésirable et usante psychologiquement. Les locaux ne le voient pourtant pas de cet œil : si le vent souffle fort, la chaleur devient supportable. Le principe de la température et du ressenti.

Une pause pour s'hydrater mais surtout pour prendre ce cavalier en photo. Haut en selle, recourbé sous l'abri-bus, il palabre. Mais son œil vif nous a aussi capté. Fier, son cheval dansant, il vient à notre rencontre. José prépare son cheval au prochain concours hippique de dressage qui aura lieu cette fin de semaine où près de 1000 (!) cavaliers se retrouveront. Son cheval a déjà gagné. Nous le croyons. Dressé sur le bord de la route loin des manèges, martelant le goudron, faisant fi des camions, l'animal électrique semble imperturbable.

Nous acceptons son invitation et le devançons sur nos montures moins capricieuses. Cavalier n'est qu'un costume de parade, José est éleveur. Nous visitons avec lui sa finca, sa ferme en somme. L'étable, l'écurie et le poulailler ne font qu'un. Les porcs sont parqués à l'écart tandis que les coqs de combat, tant choyés, sont à l'abri de la pluie. Sa réussite, il la doit à Dieu. Celui qui a construit le monde en 7 jours. Nous ne le contestons pas, peu disposés à raviver un débat déjà maintes fois nourri.

Passer une nuit chez l'habitant permet aussi de découvrir de nouvelles saveurs comme le pinolillo (boisson à base de maïs et de cacao) ou de conforter nos impressions : dans cette partie de l’Amérique centrale les tajadas (chips de banane) ont remplacé les tortillas, ici le gallo pinto est le plat national (mélange de riz et haricots rouges).

Une fois de plus une chambre se libère, une partie de la famille semble être au Costa Rica alors même que les neveux sont de gardiennage de ce côté-ci de la frontière. Difficile de comprendre toutes les ramifications de ces familles dispersées aux quatre coins du continent, un frère au Etats-Unis, un cousin au Honduras, et le fils à trois cuadras. Le sommeil se fait insistant, une partie de Uno avec les enfants et il est temps de s'isoler. Demain, dès 6 heures, une nouvelle journée commence.



Au fil de l'eau
San Carlos est situé à l'extrémité Sud-Est du Lac Nicaragua, à l'embouchure du Rio San Juan, célèbre fleuve par lequel devait passer le canal inter-océanique reliant l'Atlantique au Pacifique, au détriment de celui du Panama. Les aléas de l'Histoire ont redistribué les cartes et de ce projet imaginé il y a deux siècles, encore d'actualité il y a peu dans la presse nicaraguayenne, il ne reste que des illusions.

San Carlos reste donc un petit port décrépi sans renommée internationale, quelques fois visité par les touristes souhaitant se rendre à El Castillo (premier bastion des conquistadors dans cette partie de l'Amérique), ou à Los Guatuzos (réserve écologique étendue le long d'une rivière éponyme). C'est cette destination intime que nous visions. Après quatre heures de navigation le long du lac, la barque a continué de louvoyer dans les méandres de la rivière pour nous déposer au centre écologique tandis que les locaux faisaient ensuite route, par voie terrestre, vers le Costa Rica à moins de 5 km de là.

Dans une forêt dense, infestée de moustiques voraces, mais à l'abri dans des cabanes de fortune, en désuétude malgré une main d'oeuvre bon marché, nous avons passé 2 jours à arpenter les berges de la rivière. Pour cela nous avions à notre disposition de bons kayaks qui nous permettaient d'admirer la faune locale, principalement ornithologique, dans la lenteur de l'écoulement de l'eau. Équipés d'un appareil photo avec un zoom x30 et d'une paire de jumelles, nous tentions d'apercevoir martin-pêcheurs ou aigrettes, singes capucins ou caïmans, sans finir nous même à l'eau ! Une activité à la fois paisible et fatigante car elle demande une certaine dose d'attention, mais qui apporte une grande quiétude car aucun moustique ne s'aventure au milieu de la rivière !

L'après-midi, une fois les oiseaux volatilisés dans les feuillages épais de la jungle, Tiphaine s'attelait, à partir du guide des oiseaux du Nicaragua, à identifier les espèces observées. Une fois de plus, cela demandait d'être assidu à la tâche, certains oiseaux se différenciant à la taille du bec, ou à la tache noire cerclant l’œil et coulant jusqu'à l'aile ou s'estompant avant. Tandis que plus fainéant, je reprenais des forces dans son hamac.

Une escale qui nous aura donné envie, un jour, de partir en itinérance en kayak au fil de l'eau. J'ai, égal à moi-même, inarrêtable, déjà consulté plusieurs pages pour me faire une première idée du matos à acheter ! Faut dire, déjà en Afrique, je rêvais de descendre le Zambèze en kayak gonflable, à la barbe des crocos et au nez des hippos ! Un rêve avorté, vous connaissez l'attirance qu'a Tiphaine pour ce type de faune aquatique...

Commentaires

  1. Bravo à vous car les conditions météorologiques semblent avoir rendu la route un peu ardue sur ce tronçon mais encore de superbes photos, une sensation d’espace, loin de tout, et aussi qui nous rappellent de beaux souvenirs. Magnifiques oiseaux ! Les caïmans ou autre crocos, comment dire, c’est pas pareil... faut savoir prendre sur soi !
    Bon vent à vous ! Et de dos si possible :)

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